Plan du site  /  Contact

« Comédie »

Création le 30 août 2008 (Festival des Jardins musicaux - Cernier)

« Arrivée de toujours qui t’en ira partout »

Arthur Rimbaud, les illuminations

Giörgy Ligeti quitte définitivement la Hongrie en 1956, suite à l’invasion soviétique. Une année auparavant, il écrit Nuit, déchirante page semblant constamment à la recherche d’oxygène. La densité sonore y est extrême (Ligeti écrit des grappes de sons très proches les unes des autres), le son est lourd, et le texte use de paraphrases pour défier une censure impitoyable. Nuit est une sorte de voyage d’hiver. Le point zéro de l’expérience. Le départ. Passé ce seuil, on ne revient plus en arrière. Si ce n’est en souvenir.

On change brusquement d’univers à l’image de l’accord initial posant la question « Warum ? ». Brahms place l’auditeur face à lui-même, mais aussi face à son origine collective. Par le truchement de techniques anciennes (la conduite polyphonique des voix, le choral « luthero-bachique », l’écriture chorale vénitienne qui prend littéralement possession de l’espace), le compositeur parvient à offrir à la question initiale une permanence inquiétante. A tel point que c’est la matière sonore elle-même qui propose une esquisse de réponse, car la musique de Brahms, si lointaine, nous semble curieusement bien proche. Bien humaine.

Tout comme celle de Francis Poulenc qui, lui aussi, use de certains archaïsmes (forme, recours à des fonctions harmoniques conventionnelles). Néanmoins, on ressent clairement dans les Quatre motets une volonté de passer à travers l’univers tonal, intention évidente d’enrichir un vocabulaire pour capturer un territoire sonore. L’harmonie y est limpide, mais complexe. L’écriture passe allègrement de quatre à sept ou huit voix. Multiplicité.

A l’image du paradis de Dante dans sa Divine Comédie. Au bout du périple dantesque, il y a cette extrême proposition d’une identité qui serait faite de multiplicité. Aussi, dans Comédie, 12 chanteurs sont traités de manière solistique, séparés en deux mondes, en deux récits se superposant pour – peu à peu – se mêler et se re-connaître. Au texte italien de Dante se mêle le récit biblique latin de Saul sur le chemin de Damas : deux épopées de la révélation, deux narrations fondatrices qui se rejoignent dans le soudain émerveillement face à la vision incompréhensible, celle qu’il n’est pas possible de dire parce qu’elle n’existe que révélée dans le sensible.

En bout de route, le Matin exubérant de Ligeti nous attend avec une énergie qui semble exister de toute éternité. Un bonheur de partout et de toujours : rencontre soudaine du temps et de l'espace. Voilà peut-être une réponse à l'expérience proposée par Dante. Toute la Divine Comédie est une recherche éperdue de la beauté. Que trouve-t-il ? Il voit sa Béatrice. Et Béatrice rit. Et ce rire devient le rire de l'univers : un rire arrivé de toujours qui s'en ira partout.

DISTRIBUTION

Direction musicale : Nicolas Farine

Chant : Jeune Opéra Compagnie Les Voix

Soprano : Leana Durney, Virginie Kraif, Clara Meloni, Iulia Surdu

Alto : Valérie Bonnard, Catherine Pillonel, Francesca Puddu, Stéphane Renevey

Ténor : Julien Behr, Christophe Metzger, Michel Mulhauser, Nicolas Savoy

Basse : Vincent Arlettaz, David Gassmann, Michael Kreis, Philippe Meyer

 

György Ligeti (1923 – 2006)
Nuit (1955)

Johannes Brahms (1833 – 1897)
2 motets op. 74 (1877)
Warum
O Heiland, reiss die Himmel auf

Francis Poulenc (1899 – 1963)
4 motets pour un temps de pénitence (1939)
Timor et Tremor
Vinea mea electa
Tenebrae factae sunt
Tristis est Anima mea

François Cattin (1971- )
Comédie2 (2008) – création

György Ligeti (1923 – 2006)
Matin (1955)

Comédie2